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petits bonheurs et gros tracas en milieu urbain
1 octobre 2005

départ en week-end

Et si on parlait de la réalité de la réalité ? Pas de la numérique, ni de la hertzienne, pas de la réalité.com... Non, de celle qui ressemble à la vie sans doute, à la mienne à coup sur. A celle de la fille qui part en week-end dans sa famille avec son p'tit loulou et son chéri qui fait la gueule.
Le chéri, il fait la gueule "parce que, meeerdE, la fille, elle ne comprend pas que lui, il a besoin de son week-end pour se reposer. Se re. Elle peut comprendre ça ? Hein ? Elle l'entend ? Est-ce qu'elle entend ce qu'il lui dit ?"
La scène se passe à l'arrêt du bus 29, direction gare de lyon.
Bébé emmitouflé sous un body + un sweet + un gilet + une veste en jean + une écharpe et un bonnet ne moufte pas. C'est déjà ça.
C’est donc maintenant qu'il pète un câble.
En 48h, il a frôlé la rupture du ménisque, l’épanchement de synovie, une tendinite du tendron rotulien et surtout un cancer de la rotule. Mais voilà, rien n’y a fait, je suis restée sourde. Va falloir arrêter de parler avec les genoux.
Je lève les yeux au ciel.
« Ah ! C’est ça ta réponse ? »
Je lui dis :
« Bon, ok, tu ne veux pas venir ? Et bien, rentre. »
Le bus est en vue.
« T’as trente secondes pour te décider. Vas-y. Je me débrouillerai. »
Mon gars pris au piège, serre les poings. Ah non, ça ne va pas se passer comme ça.
« Eh ?! Hé ! Regarde-moi, tu te crois où ? Dans un film ? Et puis, c’est maintenant que tu me dis ça ? »
Le bus est là. Je monte. Il monte aussi et va s’asseoir à l’arrière, loin de moi.
Deux arrêts plus loin, la porte s’ouvre, face à moi, j’ai envie de me lever, de descendre avec loulou, de le planter dans ce bus qui l’emmène là où il ne va plus.
Gare de Lyon. Le train va partir, je ne sais pas encore si je vais monter seule, si on part ensemble, si nous rentrons sans mots dire chacun de notre côté, si nous rentrons ensemble, si nous nous embarquons pour ailleurs.
Il crie la famille, la fatigue, le manque de sommeil, son cancer du genou, son cœur qui va lâcher, sa semaine de travail et moi qui ne veux rien savoir.
Je crie la famille, la fatigue, le manque de sommeil, ma semaine de travail et lui qui ne veut rien savoir. Il répond :
« T’as gagné ! Je me tire. »
Je me retrouve plantée face aux guichet automatique. Il me reste à peine huit minutes pour retirer les billets et aller jusqu’au train avec loulou dans sa poussette, le sac de loulou, mon sac et le lit parapluie.
Je suis seule. Ma vue se trouble. Je n’ai plus de but, sinon monter dans ce train et me laisser porter. Loulou suce son pouce.
On me regarde pleurer et pousser ma poussette.
Voie A. Je monte dans le premier wagon.
J’appelle mon homme pour lui dire que je pleure et je pleure. Je pleure c’est tout.
Il veut savoir où sous sommes.
Je pleure.
Il ne sait pas où on est. À quelle heure part le train. Si nous sommes dedans.
Oui.
Où ?
Voie A.
Il arrive. Je le vois passer, téléphone collé à l’oreille.
Voiture 2.
Il monte. Le signal de fermeture des portes retentit.
Youpi ! On part en week-end !

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